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Michel Arnoult, saison 2 : Mobilia Contemporânea (1955-1973)

Fauteuil "Peg-Lev", de Michel Arnoult (1968)

Après un interlude de presque 4 mois, il est temps pour moi de reprendre cet article où je l’avais laissé. C’est-à-dire vers 1955, lorsque Michel Arnoult et ses associés transfèrent leur société à Sao Paulo et changent son nom pour Mobília Contemporânea.

A cette époque, le Brésil s’engage dans un processus d’industrialisation, initié par son nouveau président, Juscelino Kubistcheck (de 1956 à 1961). Ce mouvement s’accompagne d’une forte urbanisation qui se traduit par la construction de nombreux immeubles de logement et la réduction des espaces intérieurs habitables. L’architecture moderne est à son apogée, mais le design mobilier est à la traîne : la plupart des meubles disponibles sont encore des copies d’anciens, produits de manière artisanale.

Or, de plus en plus de jeunes ménages sont à la recherche d’un mobilier de bonne qualité à un coût raisonnable, en particulier dans les grands centres urbains comme Rio et Sao Paulo. Arnoult et Westwater seront parmi les premiers à prendre en compte cette demande et à proposer des meubles adaptés aux nouveaux appartements de la classe moyenne.

C’est le fondement même du projet Mobília Contemporânea : proposer des meubles simples, modulaires, produits de manière industrielle et donc accessibles au plus grand nombre. Arnoult est particulièrement attentif à rationaliser la production : par l’utilisation de pièces standards, multifonctionnelles, et la réduction du nombre d’éléments nécessaires à chaque meuble. Le stockage et le transport sont eux aussi optimisés puisque tous les meubles sont vendus en kit. Conséquence directe, les délais de livraison sont réduits à zéro : il n’est plus nécessaire d’attendre le camion de livraison puisqu’on peut à présent emporter sa salle à manger sur le siège arrière de sa voiture. Une démarche révolutionnaire pour l’époque ! Les prémisses du Cash & Carry actuel. Michel Arnoult devient le premier entrepreneur de meubles en kit au Brésil, et Mobília Contemporânea l’une des toutes premières entreprises au monde à se consacrer exclusivement à la conception et à la fabrication de ce type de mobilier.

Arnoult refuse l’obsolescence planifiée des produits, qu’il souhaite résistants aux modes. Il déclare d’ailleurs : « nous pensons qu’il est négatif de tenter de reproduire les habitudes d’achat d’un pays riche dans un pays pauvre ». En ce qui concerne le choix de formes, il est partisan d’un « confort dur », qu’il oppose au confort douillet de « ces sièges dans lesquels vous vous enfoncez, d’un goût douteux, auxquels les Français vouent un culte, le style de tous leurs Louis ». Le concept de « confort dur » s’applique à des meubles en bois qui conjuguent un bon design et une fabrication de grande qualité.

Deux objets sont emblématiques du travail d’Arnoult sur cette période. Le premier est le fauteuil Ouro Preto : conçu en 1958, entièrement démontable, il se compose d’un nombre réduit d’éléments standardisés : une structure en imbuia massif, des fils de nylon pour soutenir le siège et le dossier (le premier fauteuil d’Arnoult où les fils de nylon se substituent aux ceintures en matière synthétique), et des coussins amovibles d’une épaisseur réduite. Le langage d’Arnoult est ici parfaitement lisible : une structure claire, limpide, le respect du caractère naturel des matériaux et des qualités fonctionnelles en phase avec leur usage : confort, légèreté, facilité d’entretien. En 1964, à l’occasion de la VIe Foire des Arts Ménagers (Utilidades Domésticas) de Sao Paulo, le fauteuil Ouro Preto obtient le Prix du Design industriel Roberto Simonsen.

Fauteuil Ouro Preto, de Michel Arnoult (1958)

Le deuxième objet est la bibliothèque en bois Peg Lev, commercialisée en 1968. Arnoult la conçoit spécialement pour une marque très populaire de fascicules, la Editora Abril. Là encore, Arnoult innove puisque ce meuble plutôt modeste, conditionné en kit dans une boîte en carton, est vendu dans les mêmes points de vente que la collection de fascicules qu’il est sensé accueillir : les kiosques à journaux de tout le pays. Les commandes affluent par centaines et un site de production est monté spécifiquement pour ce projet. Hélas, des délais de livraison trop longs (entre un et deux mois avant que la bibliothèque atteigne son point de destination) auront raison de l’économie du projet.

Consignes de montage de la bibliothèque Peg Lev, de Michel Arnoult (1968)

Pour autant, Arnoult ne perd pas foi dans son projet d’investir des réseaux de vente alternatifs. En 1970, il conçoit une nouvelle bibliothèque  pour le supermarché Peg-Pag, situé dans un quartier de classe moyenne supérieure de Sao Paulo. Comme précédemment, le meuble est vendu démonté dans une boîte en carton et à nouveau, c’est un énorme succès. Pour reprendre l’expression d’Arnoult, les bibliothèques se vendent « comme de l’huile alimentaire ». Mais l’expérience prend fin rapidement et ne sera pas reproduite.

En 1973, Mobília Contemporânea, qui compte alors 11 magasins et un site de production de 4 500 m2, doit faire face à une conjoncture défavorable : la crise économique et le durcissement du régime militaire viennent s’ajouter à des difficultés financières. La société ferme ses portes l’année suivante.

Pour Arnoult, c’est la fin d’une époque, mais aussi le début d’une nouvelle. Mû par son esprit d’entrepreneur et son goût pour l’innovation, il occupera encore pendant 30 ans (en fait jusqu’à sa mort en 2005), le devant de la scène du design brésilien, notamment grâce à un engagement en faveur d’un design responsable.

La suite au prochain épisode donc…

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